Dr, quelle est la fréquence de vos interventions au Bénin ?
J'y effectue une mission par an, et ce, depuis douze ans. J'ai pu ainsi établir une relation de fidélité, tant avec les personnels hospitaliers qu'avec les associations locales. Cette relation suivie est très importante car elle me permet de préparer avec une anticipation suffisante des programmes opératoires adaptés à la demande.
Sur quelle recommandation choisissez-vous les cas sur lesquels vous allez intervenir ?
Ce sont les membres du CAEB (Comité d'action et d'éducation du Bénin) – regroupant assistantes sociales et enseignants (en général à la retraite) – qui se rendent dans les villages et repèrent les enfants en difficulté. Cette mission n'est pas simple car en Afrique, les enfants malformés sont souvent cachés, en affet les croyances y voient encore parfois le signe d'une malédiction.
En va-t-il de même avec les enfants mutilés à la suite d'accidents ?
Non, ceux-là ne provoquent aucune crainte superstitieuse.
Une fois que vous êtes sur place, que se passe-t-il ?
Lorsque nous arrivons avec toute l'équipe (anesthésiste et infirmière), tout a été négocié avec les familles et l'hôpital. Il ne nous reste plus qu'à les opérer et à assurer le suivi. Ce dernier point est important car, pour des malformations congénitales, plusieurs opérations sont en général nécessaires. D'où l'intérêt de la régularité des missions et des rapports constants avec les associations locales qui maintiennent le lien avec les familles, chose impossible avec une mission isolée. D'une année sur l'autre, je retrouve les cas qui nécessitent un suivi opératoire. Et, bien sûr, j'ai parfaitement en mémoire leur historique.
LES ENFANTS RETROUVENT ALORS UNE VIE NORMALE !
Pas tout à fait ! Ils ont souvent été totalement désocialisés et c'est au tour de l'association de prendre le relais pour les réinsérer dans la famille, le village et surtout les re-scolariser.
Ce n'est qu'après un laps de temps plus ou moins long qu'ils auront retrouvé une certaine « normalité » et qu'ils auront rattrapé un cursus normal.
VOTRE MISSION ?
Identifier, soigner et réintègrer. C'est le sens de la mission.
MAIS UN CHIRURGIEN DOIT S'APPUYER SUR UN PLATEAU TECHNIQUE ?
Il faut en effet une structure hospitalière locale sérieuse où l'on peut opérer dans de bonnes conditions. En l'occurrence, je m'appuie sur un extraordinaire hôpital de brousse dépendant d'une mission italienne, l'hôpital Saint Jean de Dieu à Tanguiéta : Situé au nord du Bénin aux confins du Niger, du Nigeria, du Togo et du Burkina Faso, cet établissement moderne accueille aussi les enfants des pays limitrophes. On y forme par ailleurs des internes du CHU de Cotonou.
CET HÔPITAL N'EST-IL PAS DÉBORDÉ ?
Effectivement, les médecins font face à un afflux important de malades et le bloc opératoire était plutôt saturé, mais grâce à une autre association, nous avons pu financer une deuxième salle d'opération. Nous avons ensuite transféré tout l'équipement technique d'une clinique de Béziers qui venait de fermer.
LES BLOCS OPÉRATOIRES N'OUVRENT-ILS QU'À L'OCCASION DE VOS SÉJOURS ?
Pas du tout ! Il y a déjà l'énorme activité chirurgicale quotidienne de l'Hôpital et puis de nombreuses missions se relaient tout à long de l'année et utilisent ces salles, chacune recouvrant des spécialités bien précises et très performantes (la chirurgie générale est parfaitement prise en charge par les professionnels béninois). Personne ne vient ici pour « se faire la main » mais pour apporter une spécificité particulière.
UNE ORGANISATION LOCALE BIEN HUILÉE, DONC ?
Oui, mais il faut saluer l'incroyable directeur médical et administratif de cet établissement à but non lucratif, le frère Florent Priuli, véritable homme-orchestre ; religieux, médecin, échographiste, chirurgien talentueux et gestionnaire… vraiment extraordinaire.
QUELLE EST LA DURÉE DE VOS MISSIONS ?
En général deux semaines.
PENDANT LESQUELLES VOUS OPÉREZ DU MATIN AU SOIR ?
Absolument ! Hormis, si c'est possible, une demi-journée ou une journée au parc national de la Pendjari, qui est situé à proximité.
QUELS SONT LES CAS LES PLUS FRÉQUENTS ?
En dehors des malformations congénitales, il existe un vrai fléau, en Afrique sub-saharienne comme dans d'autres régions défavorisées, ce sont les brûlures qui peuvent être terribles. Le phénomène est évidemment dû à la pratique du brûlis en brousse, mais aussi à la cuisine et au chauffage au bois, ce qui occasionne, au milieu de la hutte, des incendies ou la mise à feu des vêtements des enfants.
MAIS VOUS N'AVEZ PAS LES ÉQUIPEMENTS POUR TRAITER LES GRANDS BRÛLÉS ?
Non, nous n'intervenons que sur les séquelles, quelquefois gravissimes, que laissent des brûlures non traitées ou simplement soignées par des plantes dans des conditions rudimentaires. On observe en particulier des membres rétractés qu'il faut libérer en insérant des greffes et des lambeaux.