Manquait pourtant à l'inventaire une main, ce qui fit moins sourire ses parents. Aujourd'hui détachée de Sciences Po dans le Kent, elle raconte :
pour autant que je me souvienne, j'ai toujours eu une sollicitude qui était non pas bienveillante, mais adéquate. « Tu es spéciale, donc trouve ta voie et tes solutions », semblait-on me dire.
Et effectivement, lorsque j'ai commencé à couper ma viande, j'ai inventé ma propre méthode et me suis parfaitement adaptée. Parce que je trouvais cela barbant – dans la mesure du possible évidemment – j'ai toujours refusé que l'on m'aide, préférant rester en permanence autonome.
J'ai alterné les périodes avec et sans prothèse. Pour le moment, je fais sans car je les trouve lourdingues. Incroyable qu'à notre époque, on ne parvienne pas à trouver des solutions à la fois fonctionnelles et élégantes ! J'imagine que c'est une question de marché car quand on veut, on peut : regardez l'Iphone !
Et puis, il y a eu la découverte du cheval dès l'âge de cinq ans. Sans le savoir, j'étais en fait avantagée car un animal de 500 kg se laisse plus volontiers mener par la douceur que par la force. J'ai toujours eu un très grand sens de l'équilibre et surtout une grande sensibilité. Je ressens ce que le cheval ressent. Et je parviens à maîtriser sa force, mais pas par la force ! Il faut dire que j'ai été parfaitement guidée par Manu, mon moniteur à Fontainebleau, pour lequel j'étais tout, sauf un cas particulier. À tel point que j'acceptais de bonne grâce ses remontrances, quelquefois peu cavalières, genre « si tu n'y arrives pas, opte plutôt pour le tricot ! ». J'étais simplement traitée comme les autres. C'est cela, l'insertion ! Et grâce à lui, j'ai franchi… tous les obstacles, pour devenir aujourd'hui – pardonnez ce défaut de modestie – une cavalière de haut niveau.
Depuis, j'éprouve cette fantastique sensation qui consiste à « assumer ». Et j'aime les gens qui assument. Ceux qui portent des lunettes, ceux qui ont un nez en trompette, ceux qui ont les pieds plats… Et je suis payée de retour, croyez-moi !