Dr, quelles mutilations féminines observez-vous ?
Les mutilations féminines effectuées sur des fillettes non pubères sont encore, hélas, très largement pratiquées dans le monde et ce sur l'initiative de leur propre famille… (chaque année deux millions de fillettes sont ainsi mutilées) : on en observe une grande variété mais l'excision et l'infibulation sont les plus communes.
Comment procédez-vous ?
Je pratique des reconstructions après excision, c'est-à-dire à dire après les ablations de clitoris. L'infibulation, mutilation majeure qui associe à l'excision l'ablation des petites lèvres et souvent une fermeture quasi complète de la vulve pour entraver les rapports sexuels, est souvent découverte par les obstétriciens au moment d'un accouchement qui peut entrainer des déchirures gravissimes. Il arrive parfois même que les femmes soient recousues après chaque accouchement.
Quelles sont les réparations possibles ?
Il est parfaitement possible, techniquement parlant, de réparer une excision. En effet, seule la partie superficielle du clitoris a été décapitée l ors de l'excision. Mais en réalité, tel un iceberg, cet organe se prolonge très loin en profondeur ! Cette particularité anatomique est peu connue ; il faut dire que l'anatomie du clitoris n'est pas décrite dans nos ouvrages scientifiques car il n'a pas suscité l'enthousiasme des grands anatomistes dans les siècles passés. Ne serait-ce pas là une marque de sexisme, d'ailleurs…?
Ainsi, on procède à une dissection minutieuse depuis le bourgeon cicatriciel de l'excision pour libérer en profondeur le clitoris en sectionnant le ligament qui le retient coudé ; le clitoris est ainsi libéré et se déplie si bien qu'une importante longueur est disponible pour le ressortir; ensuite il faut le réamarrer à la vulve par une suture délicate et l'on termine par une petite plastie cutanée pour lui redonner une allure d'origine.
Quels résultats peut- on attendre d'une telle intervention ?
Il faut distinguer les résultats esthétiques et fonctionnels. L'aspect de la vulve reconstruite est très naturel si la mutilation n'a été qu'une excision. La reconstitution des petites lèvres est plus complexe et le résultat attendu est variable selon la gravité et l'étendue des dégâts initiaux mais on peut presque toujours bien améliorer l'esthétique vulvaire. La sensibilité du clitoris est recouvrée progressivement mais les patientes sont informées qu'une rééducation, véritable « apprentissage du plaisir », est indispensable.
Cela suppose un programme spécifique dispensé par une équipe comprenant des kinésithérapeutes spécialisés, des sages-femmes, des sexologues ; des sex-toys sont parfois conseillés avant de passer aux exercices pratiques avec le partenaire. Une nouvelle vie sexuelle peut alors commencer où le plaisir est alors au rendez-vous…
Tous les cas d'excision sont-ils opérables ?
En principe oui sur un plan purement technique mais en pratique on est loin d'opérer systématiquement tous les cas rencontrés.