Professeur Casoli, recréer du collagène, est-ce la science ou de la fiction ?
C'est aujourd'hui une réalité, dont on n'imagine même pas les perspectives !
Quel est le principe ?
Il s'agit de créer des tissus souples collagéniques, à partir de matrices tridimensionnelles collagéniques d'origine animale. Ces matrices sont du pur collagène (type 1) issu de tendons calcanéens de bœufs néo-zélandais.
Pourquoi donc néo-zélandais ?
Parce que la Nouvelle-Zélande a été et est épargnée par toutes les maladies liées au prion (« vache folle ») si bien que tout risque de contamination est écarté, étant entendu que les prélèvements sont de surcroît totalement débarrassés de tous agents pathogènes par procédé chimique.
Ce procédé est-il nouveau ?
Ce principe est utilisé comme couverture de peau sur les grands brûlés depuis les années 80. Lorsque l'on pose ces matrices sur un sujet vivant (homme ou animal), elles entraînent une colonisation et un afflux de cellules dans les mailles du collagène, microporosités dont le calibre est en moyenne de 100 microns. Dans le lit de la plaie, les cellules endothéliales importées (celles qui tapissent la paroi des vaisseaux) et les fibroplastes du patient (cellules qui renouvellent le collagène) sont attirées par ces mailles, et se voient, en quelque sorte, « prises au piège » ; c'est-à-dire qu'elles synthétisent du collagène (type 1 et 3), mais dans un environnement structuré. Elles créent donc un tissu vasculaire au sein de la matrice importée.
Mais étant d'origine animale, cette matrice n'est-elle pas rejetée ?
Justement ! Cet afflux d'origine bovine va disparaître car l'organisme hôte rejette effectivement tout tissu exogène. Donc, on assiste simultanément à l'élaboration de tissu endogène et à la dégradation du tissu collagénique d'origine bovine. Le processus est plus ou moins long, en fonction de différents paramètres, et surtout l'état de vascularisation du lit de régénération (la plaie). Suivant le traitement chimique qu'a reçu la matrice; utilisation de GAG – c'est-à-dire un sucre nommé GlycosAminoGlycane – qui permet de réticuler (structurer) le collagène et ainsi de donner une stabilité de la matrice. Elle conserve sa structure assez longtemps.
- Matrice avec des GAG (utilisées en clinique depuis les années 80). C'est Intégra®.
- Matrice sans GAG (utilisé en clinique depuis 2004) qui va se déliter beaucoup plus rapidement. C'est le cas de Matriderm®.
Ces deux produits fabriquent donc le tissu collagénique vascularisé.
Par ailleurs jusqu'à ce jour aucune réaction immunologique n'a été décrite dans la littérature.
Une fois ces « matrices tridimensionnelles » transplantées à l'endroit désiré, que se passe-t-il ?
Le collagène est rapidement vascularisé et fait de facto partie intrinsèque du receveur. Cette fabrication de tissu collagénique est constatée aisément à l'histologie ou en imagerie. Il agit déjà en tant que première couverture chez le patient brûlé. Lorsque cette matrice est utilisée pour reconstruire la peau sur ce collagène bovin, est associée une couche de silicone que l'on ôte lorsque le collagène est régénéré. L'épiderme « temporaire » (la feuille de silicone), est donc remplacé par greffe de peau ultra fine au même endroit.
Suivant la qualité vasculaire du sous-sol, le néo collagène va mettre entre dix jours et un mois pour se régénérer.
Quelles sont les nouvelles applications de cette technique ?
La création au laboratoire d'un véritable tissu cutané complet par régénération collagénique (en associant des cellules cutanées dans la matrice collagénique) ouvre le champ à d'immenses perspectives.
En plus des applications devenues classiques (brûlés ou chirurgie de reconstruction des pertes de substances), nous avons récemment utilisé ce principe comme facteur de croissance vasculaire, pour la reconstruction, le resurfaçage ou le comblement des pertes de substance. On découvre en fait un nouveau type de transplant tissulaire : les lambeaux libres préfabriqués collagéniques.