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Je venais d'inventer la liposuccionEt de sauver mon couple

Le célèbre inventeur de la liposuccion zigzague autour du monde, alignant conférences et cumulant les honneurs. Il nous raconte ici le parcours qui a transformé la vie de centaines de milliers de femmes et… de milliers de chirurgiens.

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Avez-vous suivi un cursus classique ?
J'étais interne en chirurgie du cancer à Gustave Roussy (Villejuif). Là-bas, j'ai été témoin des atroces mutilations subies par les gens que l'on avait « sauvés ». Cela m'a bouleversé, et je me suis naturellement tourné vers la chirurgie réparatrice. Cette discipline ouvrait par ailleurs des horizons où je pouvais me rendre utile : les déformations congénitales, les brûlures profondes, les accidents de la route, les « gueules cassées »…
Mais dans les années 60, il fallait choisir entre chirurgie orthopédique ou chirurgie générale qui permettait de tout faire. On ne parlait pas encore de chirurgie esthétique, domaine que se partageaient deux ou trois caciques en France dotés d'une clientèle très confidentielle. Mon internat terminé, j'ai donc évité la spécialisation restrictive, optant pour la chirurgie générale qui m'ouvrait un plus grand éventail, me permettant à terme d'exercer la chirurgie esthétique.

Comment débute-t-on une carrière de chirurgien esthétique ?
Âgé de 28 ans, il fallait me lancer. Je me suis endetté jusqu'au cou pour ouvrir un cabinet de consultation dans un appartement de la rue Michel-Ange. Je rendais des visites de courtoisie aux médecins du quartier pour leur faire part de ma disponibilité 24/24.

« En fait, dès 1958, je me suis déclaré chirurgien esthétique, mais je n'ai opéré mon premier nez qu'en… 1962 ! »

Opérationnel 24/24
C'est ainsi que j'ai commencé à me constituer une clientèle en opérant des appendicites et tutti quanti la nuit, les week-ends et les jours fériés, c'est-à-dire quand mes confrères étaient en vadrouille.

En fait, à cette époque, vous n'exerciez pas dans le domaine esthétique ?
Naturellement, mon but restait la chirurgie esthétique, mais mes débuts étaient effectivement très éloignés de cet objectif. En fait, dès 1958, je me suis déclaré chirurgien esthétique, mais je n'ai opéré mon premier nez qu'en… 1962 !

« QUELLES SONT VOS GARANTIES ? » 
« MES MAINS ! »

S'en est suivie une longue série de nez et autres interventions qui m'a conduit à ouvrir ma propre clinique Beauséjour à Montrouge en 1965, dotée de 80 lits. Les banques, il est vrai, étaient un peu plus hardies qu'aujourd'hui. À la question « De quelles garanties disposez-vous ? », il m'a suffi de répondre « Mes mains ! » pour obtenir un prêt sur 5 ans.
Le succès fut immédiat et j'ai travaillé non-stop, effectuant de plus en plus d'opérations esthétiques.
Arrive 1968 et ses nouvelles données sociales et salariales « révolutionnaires ». J'ai tout de suite compris que la gestion allait devenir intenable et j'ai préféré vendre. Direction : la clinique Saint-Benoît à La Réunion où je me retrouve chef de service.

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UNE RÉUNION DE MALFORMATIONS
Là, j'ai été happé dans un tourbillon d'opérations plastiques car on y trouvait nombre de malformations, de pieds-bots, de becs-de-lièvre, de polios, de paralytiques… Mon premier succès a été de faire marcher un poliomyélitique qui n'avait jamais tenu sur ses jambes jusqu'à 17 ans et qui a alors entamé une carrière sportive !
Et puis un ami en difficulté m'a demandé de reprendre la clinique Belfond à Paris. Travaillant à la chaîne, j'ai pu remonter son établissement. Mais à quel prix ! Au petit déjeuner : les appendicites ; au déjeuner, les estomacs ; au goûter, les fractures…

Comment la liposuccion est-elle arrivée ?
C'est finalement en 1974 que je rejoins la clinique Spontini pour me dédier à la chirurgie esthétique. Évidemment, le travail est moins absorbant, puisqu'il ne s'agit plus de chirurgie d'urgence.
Mais voilà ! Ma petite amie a été fascinée par la robe de Mireille Darc dans Le Grand Blond. Problème, un lipome (boule de graisse) disgracieux lui interdit la même échancrure. Elle m'implore de lui ôter, mais je lui oppose la cicatrice imposante que laissera cette ablation. Je le sais car j'ai déjà opéré des culottes de cheval, intervention qui présente cet énorme inconvénient. Elle insiste.

JE VENAIS D'INVENTER LA LIPOSUCCION ET DE SAUVER MON COUPLE
Comment la satisfaire ? Je pourrais peut-être aspirer la graisse sans ouvrir, mais la graisse est un élément solide. Un boucher de mes amis me procure les éléments graisseux sur lesquels je vais me mettre à expérimenter. À force d'essais à l'aide de seringues, je parviens à extraire les éléments graisseux, non seulement en évitant une cicatrice, mais surtout en laissant intacts les tissus nobles : les vaisseaux et les nerfs. Je venais d'inventer la liposuccion et de sauver mon couple.

Vous ne vous êtes pourtant pas endormi sur vos lauriers ?
La méthode a connu le succès que l'on sait, et c'est en 1984 que j'ai lancé le « filling », c'est-à-dire l'implantation de graisse dans le corps et le visage, et surtout dans les seins, non par l'implantation de corps étrangers, mais par utilisation de tissu graisseux prélevé sur le corps de l'intéressée.

« À force d'essais à l'aide de seringues, je parviens à extraire les éléments graisseux, non seulement en évitant une cicatrice, mais surtout en laissant intacts les tissus nobles »

VIDANGE GRAISSAGE
Une sorte de vidange-graissage, en quelque sorte. J'évitais ainsi tout problème de rejet. Cette méthode prévaut aujourd'hui dans le monde. Mais, il est vrai, elle s'est heurtée à de puissants lobbys, surtout américains. En effet, une femme sur trois là-bas est victime d'un cancer du sein (contre une sur dix en France). Le sujet est donc très délicat.

Vous ne parlez que de femmes !
La quasi-totalité de ma clientèle est féminine. Que voulez-vous, je n'aime que les femmes, et aucune chirurgie reconstructrice ne me changera à cet égard. Certes, j'ai connu des cas émouvants de travestis mais je ne suis pas en phase avec eux.

Vos succès, vos échecs ?
Ce n'est pas moi qui les détermine. C'est l'intéressée.

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ON ME DRAGUE. MERCI, DOCTEUR !
Lorsqu'elle revient en me disant « on me regarde, on me drague, je me sens vivre », c'est un succès. Lorsqu'elle m'annonce : « Mon mari n'est malgré tout pas revenu ! », c'est un échec.

Vous témoignent-elles de la reconnaissance ?
Selon Freud, un bistouri est associé à un organe masculin. Il peut donc exister un certain nombre de fantasmes. Mais ce qui m'émeut, c'est l'humour. Cette dame me demandait de lui faire crédit :« Je puis vous payer avec mon tempérament ! » me proposa-t-elle…

Tous ces lauriers (les murs de son bureau sont bardés de diplômes du monde entier) vous incitent-ils à vous reposer ?
Certes pas, car j'entame un nouveau combat. J'ai remarqué qu'il y avait davantage de cellules-souches dans les tissus graisseux que dans l'embryon (5% au lieu de 3%). J'ai fait part de cette communication à l'Institut Pasteur en 1993, ce qui m'a valu une cérémonie émouvante de remise de diplôme.

UNE BANQUE UNIVERSELLE DE GRAISSES
Mais c'est dans mon nouveau livre que je décris les applications évidentes : à 18 ans, on recueille un certain nombre de cellules graisseuses de chaque adolescent. On constitue une banque et lorsque le sujet subit un accident de santé (Alzheimer, infarctus, hépatite…) 30, 40 ou 50 ans plus tard, on lui réinjecte ses cellules-souches transformées en cellules spécialisées avec un tropisme positif sur l'organe visé… Mon projet serait tout à fait opérationnel d'ici cinq ans.
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