Ancien chef de clinique, le Dr Sarah de Babeche, en plus de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, se spécialise dans la chirurgie des brûlés, un domaine particulièrement vaste puisque toutes les parties du corps sont susceptibles d’être touchées.
Dr DE BABECHE, EXISTE-T-IL UN CURSUS SPÉCIFIQUE POUR LE TRAITEMENT DES BRÛLURES ?
Ce n’est pas une spécialité en soi. Il s’agit d’une compétence de la chirurgie, mais plus spécialement de la chirurgie reconstructrice. Le praticien oriente ensuite son parcours en fonction des services auxquels il est appelé. En ce qui me concerne, j’ai connu cette branche de la chirurgie à l’hôpital Trousseau, où j’ai exercé dans le service des grands et des petits brûlés.
UNE BRÛLURE N’EST JAMAIS ANODINE QUELLE DIFFÉRENCE ENTRE LES DEUX ?
La brûlure n’est pas une maladie, mais elle n’est jamais anodine. Elle est toujours brutale, plus ou moins grave, souvent dramatique. Tout dépend en réalité de la profondeur et de l’étendue des lésions, de l’âge de l’accidenté et de la proximité ou non d’un orifice naturel ou d’un pli articulaire.
POURQUOI ?
Graves conséquences lorsque les orifices sont touchés Par exemple, une petite brûlure autour de l’orifice buccal peut s’avérer très grave. Les cicatrices, selon leur importance, vont créer une rétraction affectant l’ouverture ou venant en gêner la fonction. La respiration ou même la vue peuvent être affectées si les brûlures concernent le nez ou les yeux. C’est d’ailleurs le cas de ce danseur du Bolchoï, qui est devenu presque aveugle après le jet d’acide dont il a été victime récemment.
QUELLES SONT LES PROCÉDURES, EN MATIÈRE DE BRÛLURES?
On distingue trois étapes principales, le but étant de préserver la vie à tout prix :
- le traitement immédiat selon
- le diagnostic, la procédure de mise en oeuvre de la cicatrisation
- et la gestion des cicatrices.
PLUSIEURS ÉTAPES
À cela, s'ajoute une quatrième étape : le suivi psychologique du patient.
Le diagnostic lui-même se base sur deux niveaux :
- La barrière cutanée (qui est effondrée) : l’évaluation en surface est rapide car visible et on lui attribue un degré sur une échelle (généralement l’échelle de Wallace) ; un faible degré entraînera en général une cicatrisation spontanée. Il n’en va pas de même avec les traumatismes en profondeur et sur les structures intermédiaires
- Des lésions viscérales peuvent exister selon les facteurs déclencheurs (agents chimiques, liquides bouillants…). On peut même constater de véritables carbonisations suite à un incendie ou à un choc électrique. Les risques de complications sont évidemment majeurs et le danger infectieux omniprésent.
- La conjugaison des deux niveaux entraîne évidemment des risques de lésions supplémentaires qui aggravent encore le diagnostic.
LES TRAITEMENTS ONT-ILS ÉVOLUÉ ?
Aujourd'hui, les progrès de la réanimation et de la chirurgie sont tels que l'on sauve beaucoup plus de patients qu'auparavant ; le corollaire étant malheureusement l'augmentation des handicaps lourds.
ON SAUVE AUJOURD’HUI BEAUCOUP PLUS DE PATIENTS
Par conséquent, au moment du diagnostic, on doit aussi prendre en compte les répercussions à long terme de toutes les options auxquelles nous aurons recours.
PAR QUOI COMMENCE-T-ON ?
On pare au plus pressé (sédation, ventilation, prévention des thromboses, traitement initial des brûlures, interventions chirurgicales urgentes – y compris amputation lorsque nécessaire) et surtout prévention des infections. Ensuite, toutes les options sont possibles car la brûlure peut concerner toutes les branches de la médecine et de la chirurgie, tant les cas sont variés et compliqués.
QUELLE PEUT ÊTRE LA DURÉE D’UN TRAITEMENT ? TRÈS LONGUE RÉÉDUCATION
Très variable, mais en tout cas plusieurs mois, sans compter la rééducation. Le port de vêtements de contention peut s’étaler sur deux ans ou plus. Cette étape peut être compliquée car la douleur vient souvent empêcher son bon déroulement.
QUELLES SONT LES CAUSES DES BRÛLURES ?
Chez 90 % des enfants, les causes sont d’origine domestique. Elles sont le résultat d’un défaut (quelquefois impardonnable) de surveillance. Les circonstances sont infinies. L’enfant peut poser les mains sur un insert de cheminée, la porte d’un four ou sur le tuyau d’échappement d’une moto ; il peut subir un retour de flamme près d’un barbecue, il peut mettre le feu aux vêtements ou aux cheveux de sa soeur s’il joue avec des allumettes ou un briquet…
MANQUE DE SURVEILLANCE IMPARDONNABLE
Chez l’adulte, il y a les accidents bien sûr, qu’ils soient domestiques ou extérieurs – incendies, accidents de la route, explosions, radioactivité… Mais les brûlures peuvent aussi provenir d’agressions diverses, d’actes rituels (pour « évacuer le diable ») et, dans des cas heureusement plus rares, d’immolations. On reçoit aussi les victimes d’agressions conjugales (eau ou huile bouillante, acide…).
CES AGRESSIONS CONJUGALES CONCERNENT PLUTÔT LES FEMMES ? AGRESSIONS CONJUGALES
Non, c’est partagé. Et ces gestes peuvent entraîner de graves conséquences car il faut garder à l’esprit que, quelles que soient les causes, il y aura des séquelles : soit mineures (prurit, pigmentation, cicatrices, fripures) ; soit majeures (ostéomes, mutilation des extrémités, doigts en boutonnière, épithélioma…).
COMMENT ÉVITER TOUS CES DRAMES ?
La prévention, évidemment. En particulier chez les enfants. Il faut comprendre qu'une simple inattention peut briser une vie (mois ou années perdus, handicap, difficulté d'intégration sociale…). Et, bien sûr, au niveau hospitalier, il faut encore renforcer les structures spécialisées qui, on l’aura compris, sont forcément très lourdes et qui, de ce fait, représentent un coût considérable pour la collectivité.