Le Dr Gilbert Zakine est chef d’un service de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique et responsable d’un centre de grands brûlés. Il nous parle du traitement de l’hypertrophie mammaire, chirurgie à la fois esthétique et fonctionnelle.
Dr. Zakine, quand peut-on parler d’hypertrophie mammaire ?
L’hypertrophie mammaire, c’est un sein de volume trop important par rapport à la morphologie de la patiente. Cet excès de volume est le plus souvent associé à un affaissement des seins
(ou ptose mammaire).
RETENTISSEMENT FONCTIONNEL
Un retentissement physique, psychologique et fonctionnel (douleurs du cou, des épaules et du dos, gêne pour la pratique des sports ou dans la vie quotidienne) est toujours présent et généralement proportionnel à l’excès de volume.
Quel est son traitement chirurgical ?
Il faut retirer le tissu mammaire en excès (glande, graisse et peau), en conservant un volume en harmonie avec la silhouette de la patiente et conforme à ses désirs. Le tissu mammaire résiduel est ascensionné, concentré et remodelé.
TOUTES LES PATIENTES SOUFFRENT DU DOS
Quelle est la spécificité de cette chirurgie?
C’est une chirurgie à la fois esthétique et fonctionnelle. Pratiquement 100 % des patientes que j’opère ont des douleurs du dos, des épaules et de la nuque très gênantes, voire invalidantes. La gêne est parfois même professionnelle. La demande de correction esthétique, dans les grandes hypertrophies mammaires, vient souvent au second plan. Le bénéfice fonctionnel est souvent spectaculaire, avec diminution franche et disparition des douleurs du dos. Les patientes rentrent chez elles le lendemain ou le surlendemain.
À CHACUNE SA CICATRICE
Peut-on éviter les cicatrices ?
Non. Puisqu’il faut retirer de la peau et remodeler, on ne peut les éviter. Les cicatrices sont en T inversé : autour de l’aréole, verticale et horizontale dans le sillon sous mammaire. Les techniques qui ont cherché à faire disparaitre une partie des cicatrices ont montré leur limite en cas de gros volume.
Certaines patientes font elles plus souvent des cicatrices visibles ?
Oui. Les patientes à la peau foncée, d’origine africaine ou antillaise sont particulièrement sujettes à l’apparition de cicatrices en relief appelée cicatrice hypertrophique ou chéloïde. Toute patiente doit être prévenue de ce risque. J’opère régulièrement en Guyane, suis très attaché à ce département extraordinairement riche par la variété des métissages entre les différentes ethnies et ai à prendre en charge le plus souvent des patientes qui ont à la fois de très importante hypertrophie mammaire et une peau foncée.
Peut-on éviter les cicatrices hypertrophiques chez les patientes à risque ?
On peut diminuer ce risque en évitant une trop grande tension sur la peau et en comprimant les cicatrices (pansement compressif, plaque de silicone). Des traitements préventifs ou curatifs à base d’injection de corticoïdes dans les cicatrices peuvent être utilisés. Nous avons donc des réponses pour prévenir et traiter ce type de cicatrisation.
OPÉRATION INDOLORE ET REMBOURSÉE
L’intervention est-elle douloureuse ?
Non. Les patientes ont rarement à prendre les antalgiques qui leur sont prescrits et elles présentent le plus souvent une amélioration franche des douleurs du dos.
L’intervention peut elle être prise en charge par la sécurité sociale ?
Oui, lorsque l’on enlève au moins 300 g par sein, ce qui est toujours le cas si les seins sont très volumineux.
LES FUMEUSES SONT PLUS VULNÉRABLES
Y a-t-il des complications possibles ?
Comme pour toute opération chirurgicale. Un bilan pré-opératoire et une consultation avec l’anesthésiste sont obligatoires. Les deux complications les plus fréquentes sont des difficultés de cicatrisation localisée et la souffrance de l’aréole. Cette dernière complication ne se rencontre pratiquement que chez les fumeuses.
Quelles précautions prendre avant l’intervention ?
Pas d’aspirine dix jours avant (pour éviter le risque d’hématome), et réduction franche ou arrêt du tabac pendant les deux mois précédents. Je propose souvent aux fumeuses d’en profiter pour cesser définitivement de fumer.
PRÉSERVER LES ARÉOLES
En quoi avez-vous modifié la technique classique pour éviter d’avoir à greffer les aréoles même en cas d’hypertrophie extrême ?
Dans le cas un volume très important est associé avec un affaissement extrême du sein, il est habituel de couper les aréoles, les dégraisser et les reposer sur le sein. Elles survivent alors comme des greffes. Cette technique, qui donne de bons résultats n’est pas sans risque. C’est pour cela que nous avons développé une technique particulière, que nous appliquons depuis plus de dix ans qui permet à l’aréole de rester bien vascularisée par son pédicule (qui est alors plus fin et beaucoup plus large) et qui permet de ne pas avoir a retirer et greffer les aréoles même dans des cas exceptionnellement importants. Ces cas extrêmes sont d’ailleurs appelés gigantomastie. Le soulagement que la chirurgie apporte alors à ce type de patiente est évident.
BIEN-ÊTRE PHYSIQUE ET MIEUX-ÊTRE PSYCHOLOGIQUE
Alors chirurgie esthétique ou chirurgie réparatrice ?
Les deux. Un bon chirurgien doit pouvoir avoir une exigence esthétique lors d’une intervention à visée réparatrice ou plastique et un respect de la fonction lors d’un acte de chirurgie esthétique. Dans le cas de la plastie mammaire de réduction pour hypertrophie, il s’agit bien d’un acte de chirurgie plastique permettant une amélioration esthétique et psychique évidente d’une part, et un bénéfice fonctionnel majeur et quasi constant d’autre part.
BIEN-ÊTRE PHYSIQUE ET MIEUX-ÊTRE PSYCHOLOGIQUE
Alors chirurgie esthétique ou chirurgie réparatrice ?
Les deux. Un bon chirurgien doit pouvoir avoir une exigence esthétique lors d’une intervention à visée réparatrice ou plastique et un respect de la fonction lors d’un acte de chirurgie esthétique. Dans le cas de la plastie mammaire de réduction pour hypertrophie, il s’agit bien d’un acte de chirurgie plastique permettant une amélioration esthétique et psychique évidente d’une part, et un bénéfice fonctionnel majeur et quasi constant d’autre part.
LA RECHERCHE SUR LA CICATRISATION
Parallèlement à votre activité clinique, vous avez une activité de recherche depuis plusieurs années sur la cicatrisation cutanée. Alors si on ne peut pas éviter les cicatrices, peut-on les atténuer ?
Il existe plusieurs études en cours sur ce sujet. Nous avons récemment dirigé des études cliniques, aboutissement d’études expérimentales, sur deux molécules qui devraient permettre de diminuer « la trace cicatricielle ». Une de ces études concerne une molécule augmentant l’action de facteurs de croissance déjà présents dans la peau, et qui accélère la cicatrisation et diminue les douleurs. Une autre a démontré les effets positifs d’un dérivé de chitine, le chitosan, substance naturelle présente dans l’exosquelette des arthropodes (et ici produite par un champignon), qui diminue l’inflammation, les douleurs et améliore la cicatrisation. L’une est déjà commercialisée, l’autre est en cours d’homologation. La cicatrisation des tissus en général et de la peau en particulier font intervenir des mécanismes extrêmement complexes, qui sont de mieux en mieux compris.
Le contrôle de ces mécanismes laisse espérer de grands progrès. Imaginez que nous parvenions à réduire ou même à faire disparaitre toute trace cicatricielle comme cela se réalise chez le fœtus.