Opérations sous hypnose
Entretien avec le Dr Sylvain Perelmuter / Médecin anesthésiste réanimateur
L 'hypnose est un sommeil superfi ciel induit par suggestion d'un tiers ou infl uence personnelle, qui réduit la vigilance et entraine une détente physique et psychologique. C'est un état de conscience particulier (sans être un état de sommeil), encore mal défi ni et connu depuis la plus haute antiquité. Elle revêt auprès du grand public une apparence magique entre attraction et crainte. Sa nature profonde n'est toujours pas complètement dévoilée mais ses manifestations sont de mieux en mieux comprises par les chercheurs.
SÉDATIFS INFINIMENT MOINS PUISSANTS
L'anesthésie sous hypnose est une technique de plus en plus utilisée pour réduire les risques et les effets secondaires d'une anesthésie classique. Elle est utilisée conjointement avec des sédatifs infieniment moins puissants qu'avec une anesthésie générale et l'on parle d'hypno sédation.
La Clinique Esthétique du Grand Lyon propose cette méthode depuis de nombreuses années, sous la direction du docteur Perelmuter. Ce médecin anesthésiste expérimenté a été formé à Rennes dans les années 70. La qualité de sa formation s'est constamment approfondie avec l’évolution spectaculaire de sa spécialité (en moins de 20 ans, les risques ont été divisés par 10), mais il s’est parallèlement très vite intéressé à l’hypnose. Cette technique est utilisée depuis environ deux siècles dans le domaine médical, mais elle a trouvé un élan scientifi que grâce à une spécialiste belge, aujourd’hui de réputation mondiale : le professeur Marie-Elisabeth Faymonville.
Dr PERELMUTER, CETTE TECHNIQUE EST-ELLE RÉSERVÉE AUX OPÉRATIONS DE CHIRURGIE PLASTIQUE ? IMPLANTS, LIFTINGS, RHINOPLASTIES OU PLASTIES MAMMAIRES
Non, j’interviens aussi sur d’autres types d’opérations. Dans le domaine plastique, l’hypnose se pratique surtout à l’occasion de la pose d’implants, de liftings, de rhinoplasties ou de plasties mammaires.
REMPLACE-T-ELLE L’ANESTHÉSIE CLASSIQUE ?
L’hypnose évite les sédations trop lourdes et constitue une anesthésie de complément. Elle renforce la procédure dans les interventions locales. Nous la proposons eff ectivement pour remplacer l’anesthésie générale dans certaines indications.
COMMENT PROCÉDEZ-VOUS ? CE N’EST PAS UN ENDORMISSEMENT MAGIQUE
Il ne s’agit en aucun cas d’un endormissement magique comme on voudrait souvent le faire croire. En réalité, l’hypnose relève d’un phénomène tout à fait naturel et spontané que chacun possède. Le meilleur exemple est un enfant « dans la lune » : physiquement, il est présent, mais il pense à autre chose ; son esprit divague, il est ailleurs. Il suffi t donc de favoriser le déclenchement de cette divagation. On parle de transe hypnotique
spontanée.
LA TRANSE DU CHAMANISME ?
Non, nous ne parlons pas ici de transe par incantation. La transe hypnotique est un phénomène tout à fait calme, qui n’a rien de surnaturel. Ce phénomène est physiquement vérifi é, puisque l'on en observe les répercussions sous imagerie médicale : le cerveau fonctionne, mais autrement. Certaines zones cérébrales sont activées alors que d’autres sont inhibées. La technique commence par l’induction de la transe : détachement par fi xation de la pensée du patient sur un sujet agréable (souvenir).
ON DISSOCIE LE CORPS DE LA PENSÉE
On dissocie alors le corps de la pensée, en faisant quelquefois appel à la parole, qui peut renforcer le phénomène. L’entretien de la transe utilise des techniques spécifi ques comme la technique de la réifi cation (associer une couleur, une forme ou une matière à certains éléments). On modifi e ainsi la perception de la douleur en la comparant, par exemple, à une sphère et en demandant à l’imagination du patient d’en réduire la taille, ce qui entraîne symétriquement une diminution de la douleur. Cela nous permet de pratiquer des interventions parfois longues (jusqu’à 4-5 heures).
QUE SE PASSE-T-IL, EN RÉALITÉ ?
Lorsque le patient entre sous hypnose, il y a une modifi cation au niveau de la perception sensorielle. Un peu comme au cinéma ou lors d’un concert : ce que l’on voit ou ce que l’on entend fait oublier toute réalité, fût-elle douloureuse. La notion de douleur s’estompe, tout comme la notion de temps.
PROMENADE SENSORIELLE
Le patient est détaché de ce que l'on est en train de lui faire ; son esprit reste fi xé sur un paysage, une odeur, un goût. On l’emmène dans une promenade sensorielle (en forêt par exemple), et cette promenade se prolonge jusqu’à la fi n de l’intervention. À moi d'ajuster la profondeur de la promenade en fonction de la situation clinique. Pour terminer la séance, on ne va bien sûr pas « réveiller » le patient, mais on va le faire gentiment sortir de la forêt, et c’est lui-même qui reprendra conscience à la fi n de la balade sylvestre. C’est la phase dite d’ « éveil ».
DONC, VOUS N'EN DORMEZ PAS.
Non. Comme on le voit, la technique consiste, avant l’administration d’un anesthésique local, à provoquer une distraction de l’esprit, de manière à modifi er la perception. Je crée une diversion : le patient se concentre sur un autre sujet que l’intervention qu’il est en train de subir. Peu à peu, le patient se détache de son environnement jusqu'à devenir hyperconcentré sur le sujet « de diversion ». Il est alors sous sédation naturelle !
RÉCUPÉRATION BIEN PLUS RAPIDE
On associe des médicaments de sédation anesthésique « à la demande » ; Mais grâce à l'hypnose, les doses peuvent être considérablement réduites. L’avantage, par rapport à l’anesthésie générale ou aux sédations poussées, c’est une récupération plus rapide en post opératoire ; c’est aussi une autre façon d’envisager son intervention, ce qui, en chirurgie esthétique, attire de nombreux patients
LE CHIRURGIEN EST ÉVIDEMMENT ASSOCIÉ À CETTE TECHNIQUE ?
Tout à fait. Il opère, moi je supervise l'anesthésie. Il s’agit d’un travail d’équipe. Mais évidemment, le chirurgien et les infi rmières doivent être habitués à cette méthode. Un grand calme est exigé de la part de l’équipe et si le chirurgien veut demander quelque chose au patient, il passe par moi.
CETTE TECHNIQUE S’APPLIQUE-T-ELLE À TOUS ? NOUS AVONS BESOIN DE LA COOPÉRATION DU PATIENT
Non, elle ne concerne que les patients disposés à coopérer car leur participation fait partie du jeu. N’oublions pas que le patient est actif tout au long du processus. C’est lui qui en assure le succès. En consultation, je cherche donc à créer la complicité et la confi ance du patient qui me permettront de donner une suite favorable
au projet. Il faut écarter, bien sûr, ceux qui viennent avec des idées préconçues ou des aspirations
ésotériques sur le sujet. Et bien évidemment ne retenir que les interventions qui relèvent de cette technique. L’évaluation de la durée de l'intervention est importante sachant qu'il est possible de conserver le patient
dans un état second pendant plusieurs heures (comme pour un lifting). En moyenne, un tiers seulement des patients de la clinique ont recours à cette technique. Je ne cherche pas à convaincre ceux qui envisagent cette procédure, mais de les accompagner.
LE SUCCÈS EST-IL GARANTI ? SUCCÈS ASSURÉ
Oui, car de toutes les façons, nous sommes dans des conditions d’anesthésie générale et, à tout moment, une anesthésie « classique » peut prendre le relais ; Mais en pratique, je n'ai eu à endormir qu'une seule patiente en l'espace de six ans et environ 150 patients opérés sous hypno sédation.
QUEL EST L’AVANTAGE ?
Les doses de sédatifs sont considérablement réduites (de deux à dix fois). Et surtout, la grande satisfaction des patients ; les impressions et ressentis sont recueillis systématiquement après intervention sous hypnosédation, et le taux de satisfaction atteint plus de 99 %.
ON FAIT DONC DES ÉCONOMIES ?
Malheureusement non, puisque je dois rester en permanence au contact du patient, ce qui arithmétiquement limite les interventions auxquelles je participe. Il m’est diffi cile d’en assurer plus de trois par jour, dont je sors évidemment épuisé, car la concentration doit être permanente. En revanche, on économise les produits et le temps, sans oublier la qualité de récupération des patients !
LE POINT DE VUE DU CHIRURGIEN À PROPOS DE L’HYPNOSÉDATION
Proposition d’une solution intermédiaire entre l’anesthésie locale pure et l’anesthésie générale pour les récalcitrantes à cette dernière.
- Technique supérieure à la neuro-leptanalgésie en termes de coopération active de la patiente durant l’intervention – réponse aux ordres simples tel que « tournez la tête ! » lors d’un lifting. Autres arguments : les patientes récupèrent plus vite et sont moins ensuquées
- L’absence de perte de conscience rassure les patientes qui désirent conserver la maitrise de la situation, s’assurer qu’elles sont bien opérées par leur chirurgien et que les événements autour d’elle se déroulent normalement
- De même, cette vigilance relative permet à la patiente de suivre les étapes d’un geste important pour son avenir et semble améliorer l’appréciation positive du résultat. Elle réalise le temps, l’énergie et la concentration nécessaires pour répondre à sa demande
- Le temps d’intervention est transformé en temps de voyage agréable « …c’est géant / c’est top / c’est incroyable ! … ». Ceci renforce la complicité indispensable entre patiente et équipe chirurgicale.
- Lors des liftings ou rhinoplasties, l’absence de sonde d’intubation ou de masque laryngé permet une grande liberté de mouvement autour de la face.
- L’absence de discussion entre membres de l’équipe opératoire oblige chacun à se concentrer au maximum sur le geste et ses diverses étapes.
- L’off re de cette technique d’anesthésie est un vrai argument de diff érenciation par rapport à la concurrence et il arrive souvent que la patiente vienne à nous pour notre anesthésiste-réanimateur. Situation inconnue dans les autres cliniques…